D’après l’association Peyrolles Rétro, le début de l’aqueduc serait visible depuis le chemin de la Palunette, à Bastide Thénoux, sous forme d’une petite entrée taillée dans le roc mais plus de trace de la prise d’eau. Voir le montage Dailymotion sur les vestiges
Le premier vestige taillé en plein rocher, ce qui est assez rare dans le monde romain, est proche de la prise d’eau, en bordure de route. Précédé de socles rocheux, il devait comporter un aménagement spécial. L’intérieur du canal est en bon état. Par endroit les concrétions ont disparu, laissant apparaître des pierres taillées en grand appareil. Pour avoir les mains libres pour travailler, les ouvriers posaient leur lampe à huile dans des petits logements creusés dans la roche à intervalles réguliers. La circulation dans le radier1 y est possible sur plusieurs dizaines de mètres, la hauteur du canal étant d’1m60 environ.
Particularités observées :
- le soubassement des piédroits, construits et s’appuyant au-dessus de la roche taillée, au niveau du radier.
- Un passage étonnant, où l’on trouve successivement l’aqueduc construit entièrement, puis un passage sous une voûte taillée dans la roche, et au bout de quelques mètres, à nouveau la construction. On sait que les ouvrages de type ‘tunnel’ étaient creusés par deux équipes allant à la rencontre l’une de l’autre (exemples célèbres en Algérie à Saldae, et sur l’aqueduc du Gier) selon les principes de Vitruve.
Le plus souvent, sur Peyrolles et Jouques, les vestiges sont des voûtins (portion de voûte) en claveaux, variables en nombre, qui émergent du sol, à peine visibles mais permettent de marquer le tracé de l’aqueduc.
Eléments essentiels pour la construction d’un aqueduc, ces derniers – appelés alors puits sur les tunnels – servirent au moment de la construction, à déterminer le tracé, à vérifier le niveau de la pente, à dégager les déblais et à ventiler les ouvriers ; l’aqueduc en usage, ils permirent son accès afin d’assurer l’entretien de l’ouvrage. JC Litaudon
De nombreux regards2 permettent de contrôler ou de nettoyer la conduite ; rectangulaires, bordés de parois en petit appareil, ils sont toujours soigneusement voûtés en claveaux3, le plus souvent placés de façon régulière tout le long du parcours, tous les 72 mètres ce qui correspondrait à deux actus4, par analogie avec les principes énoncés par Vitruve et Pline l’Ancien (37 à 79 ap, livre XXXI, ch. XXXI) […]: « …il faudra faire des regards de visite tous les deux actus« .
Cette règle a été appliquée à l’aqueduc du Gier à Lyon, en effet une recherche systématique, depuis 1980, en a permis le recensement de près de 90 à ce jour, tous de plan rectangulaire. Selon J.C. Litaudon, ils sont de deux types, en alternance, de petit module (largeur du canal, 0,60 approx.), de grand module (90 x 90), ces derniers ayant un fond plus bas que le radier1 du canal, bac destiné à récupérer les sédiments ; les intervalles entre eux, vont de 68 à 80 m. Mais en zone plane et linéaire, les intervalles sont alors proches de 77m, deux actus romains de 120 pieds.
Ils peuvent être placés également à proximité de points sensibles du parcours comme les ponts de franchissement de vallons. A la verticale de ces regards, on peut observer sur plusieurs aqueducs romains des bacs de décantation pour piéger les fines (impuretés véhiculées par le flux) : cela ne semble pas être le cas de la Traconnade.
Des encoches – opes5 – creusées dans les parois pour l’emplacement d’échafaudages facilitent l’accès au conduit durant la construction. Mais n’étant pas situées en vis à vis, il devait y avoir un autre dispositif mobile pour descendre au niveau du canal.
Le regard le plus difficile d’accès, est profond de plus de 2m ; les opes en vis à vis, sont bien visibles. Un morceau de la dalle de couverture se trouve probablement dans le fond.
Tableau et photos des vestiges de l’aqueduc de Gier, Groupe archéologique Forez-Jarez
Les parois étaient à l’origine recouverte d’un enduit d’étanchéité de nature variable, d’un à deux centimètres d’épaisseur, parfois teinté en rouge. L’enduit hydraulique encore appelé opus signinum, est vulgairement appellé tuileau ; à base de chaux, sable et brique écrasée, cette dernière pouvant localement être remplacée par de la pouzzolane ; malaxé avec l’eau, il devient hydrofuge, très dur après séchage.
En région karstique, comme c’est le cas ici, se surajoutait un dépôt laminé de calcite, ou travertin ou sinter (environ 1 centimètre par an) qui menaçait d’obstruer la lumière du canal avec le temps, et nécessitait un entretien régulier par grattage laissant des traces encore visibles. Ces dépôts avaient en plus l’inconvénient d’alourdir considérablement la structure des ponts-aqueducs. L’épaisseur de ce dépôt est ainsi un élément d’appréciation du temps de fonctionnement de l’aqueduc… quand il n’a pas été modifié. M. Royon
L’épaisseur des concrétions observée au niveau du plus profond regard (quartier Notre Dame d’Astor), plus importante qu’ailleurs, laisse supposer que cette partie du canal a été réutilisée.
Quant aux pont-aqueducs, il ne reste que la base des piles comme dans le vallon de l’Oume à Peyrolles ou Réclavier à Meyrargues. Les piles de pont et les murs sont construits extérieurement avec les pierres en petit appareil assisé, en coffrage, et entre les murs ainsi construits, le remplissage est effectué en blocage avec du mortier et des pierres diverses (l’opus caementicum) pour les solidifier.
Ces ponts-aqueducs étaient le point faible des aqueducs en région méditerranéenne caractérisée par des orages violents ; les crues destructrices pouvaient emporter à distance, même les éléments les plus lourds de ces constructions, souvent alourdies par des concrétions pariétales internes de calcite. Cela expliquerait l’absence de vestiges du pont de Barême et la présence d’énormes blocs rocheux.
Photos des concrétions sur l’aqueduc de Fréjus
Trois arches d’un pont aérien se trouvent sur la commune de Meyrargues, non loin du pas de l’Etroit. Quelques photos des fouilles réalisées à Meyrargues (patience, chargement long…) sur le site de la DRAC PACA
Traianus (inscription gratuite), site dédié aux aqueducs romains
Présentation générale Les aqueducs romains d’Aix-en-Provence dans ce blog
Carte googlemap des vestiges de l’aqueduc romain de la Traconnade
Photos des vestiges prises autour des années 1980 (DRAC)
Je remercie également M. Balalas qui a organisé avec beaucoup de générosité la visite sur place.
1radier, partie horizontale où circulait l’eau, entre les côtés, appelés piédroits (piédroit gauche – piédroit droit)
2 regard : point d’accés destiné à l’entretien, ou à la construction lorsque que le canal est enfoui en tunnel
3claveaux : les claveaux sont les pierres taillées en biseaux qui forment un arc ou une voûte
4un actus équivaut à 120 pieds de 0,2957 m, soit #35,48 m
5ope : ouverture dans un mur destiné à recevoir une poutre, une solive, un chevron, un boulin, etc.
©copyright randomania.fr
Bonjour, comme une bouteille à la mer, je tente ce commentaire, car j’ai vu que ce blog qui date de 2012, on ne sait jamais !
Durant le confinement, je me suis passionné pour cet aqueduc et votre témoignage m’a énormément servi pour découvrir ces vestiges, ma question est : y a t il une association ou autre, pour assister à vos recherches, randonnées, colloque, etc… merci pour votre réponse
[ndlr] réponse par mail perso
Bonsoir,
passionné d’antiquité je voudrais savoir s’il serait possible d’avoir le tracé complet sur la carte de l’aqueduc tunnel et de connaitre son historique, quelle date de construction sous quel empereur, j’habite Peyrolles et j’aimerais prendre rdv avec un guide afin de visiter les tunnels dégagés, merci…
[ndlr] réponse par mail perso